Le sens du travail est le sens… d’une vie
Le travail concentre la majorité de nos temps et énergie. Certains métiers, comme ceux de la santé et du soin, portent en eux un sens qui permet de s’identifier au projet de l’organisation et d’être engagé dans ses missions professionnelles. Mais qu’en est-il de la myriade d’autres activités ? De quoi relève le sens qu’un individu peut trouver à son travail ? Comment l’entreprise participe-t-elle à cette quête ?
Le sens du travail, élément vital d’une organisation
Le sens de l’activité professionnelle participe à celui de l’existence de chacun car à mesure que l’espérance de vie progresse, la durée de la carrière professionnelle aussi. En Europe, entre 2000 et 2017, le temps passé à travailler a augmenté de trois ans selon les projections Eurostat.
A l’échelle d’une entreprise, donner du sens au travail permet de compter sur des équipes plus engagées, productives et fidèles. A l’inverse, si les missions n’ont pas de sens pour les collaborateurs, ces derniers vont perdre en énergie et souvent mettre de la distance avec le projet d’entreprise. L’activité globale de l’organisation perd alors en qualité pouvant remettre en cause sa pérennité.
La question du sens est aussi sociétale. Elle se pose notamment en réaction aux profondes transformations que le numérique provoque dans notre société. Les nouvelles technologies et les usages qui en découlent exacerbent le caractère changeant, voire anxiogène, propre à la vie.
Cette anxiété naît de notre quasi absence de contrôle sur les événements. Le sens s’envisage alors comme un outil de stabilité dans la tempête (Pahl 1994). D’autant plus quand on parle de mobilité à l’étranger parfois coupé de sa famille, de sa culture d’origine…
Anatomie du sens du travail : l’exemple de la mobilité professionnelle
Qu’entend-on par « sens du travail » ? Les chercheurs Baumeister et Vohs de l’université d’Oxford placent les notions de « connexion », alignement, équilibre au coeur des enjeux, entre d’une part, les besoins de l’individu et d’autre part ceux de l’organisation. L’idée de négocier en permanence entre ces deux composantes se retrouve dans le schéma de Chalofsky (2003). Par exemple, une personne qui se voit proposer une mission professionnelle d’un an à l’étranger s’interroge sur le sens d’une telle expérience. « Cette mission met-elle ce que je suis (mes valeurs : famille, ambition, curiosité…) et mon travail (plan de carrière, développement des compétences) en harmonie ? »
La diversité des modes de travail actuels demande d’étoffer les dimensions à prendre en compte dans le travail. On retrouve cinq éléments générateurs de sens (Cartwright & Holmes, 2006).
- La nature du travail selon le secteur d’activité, les tâches à réaliser.
- La dimension sociale du travail : les relations avec les autres collaborateurs, clients, partenaires, écosystèmes…
- L’alignement du travail avec les valeurs individuelles du collaborateur
- La confiance envers le management
- L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle que l’on exerce dans son pays d’origine ou à l’étranger pour les expatriés
- Le sens du travail peut être pensé comme la « connexion », la négociation dynamique et
- permanente entre la Conscience de l’individu (celle de ses valeurs, compétences et but de vie) et le Travail en soi dans toute sa complexité.
Collaborateurs et entreprises artisans du sens du travail
Avez-vous déjà entendu parler du « Job Crafting » ? C’est un phénomène identifié par Amy Wrezniewksi comme « ce que font les employés pour redéfinir leur propre travail afin
d’encourager l’engagement au travail, la satisfaction au travail, la résilience et l’envie » (Berg, Wrzesniewski & Dutton 2010).
Les actions de ces collaborateurs-artisans portent sur leurs tâches (« task crafting), leur relations professionnelles (« relational crafting ») ou leur façon d’envisager leur travail (« cognitive crafting »).
« Cela ne fait pas partie de mon travail, mais cela fait partie de moi » participante de l’étude menée par Pr. Wrezniewski sur le sens du travail
Ainsi, pour reprendre notre exemple du professionnel en mobilité, une mission à l’étranger peut aussi être à l’initiative du collaborateur ! Défi personnel, découverte d’un autre style de management, suivre un conjoint, renforcer des compétences linguistiques…
Le sens du travail en pratique
Entreprises et employés peuvent travailler main dans la main dans cette recherche mutuelle. Voici quelques démarches concrètes pour la matérialiser :
- Favoriser un environnement de travail collaboratif permet de développer la dimension sociale du travail. Organiser les tâches en projets d’équipe, agencer les lieux en espaces ouverts, lumineux, dynamiques ou bien mettre en place des outils collaboratifs (numériques comme Slack ou physique comme une salle de créativité) qui encouragent le dialogue et les échanges.
- Définir des principes clés pour fédérer les équipes. Cette démarche doit être collective. Le management et les équipes opérationnelles travaillent ensemble pour intégrer toutes les parties prenantes à la discussion.
- Créer les conditions de la participation active des employés dans l’activité de l’entreprise. Cet engagement doit être tangible ou il risque de créer un décalage entre le discours et les actes du management qui désengage les employés. Par exemple, choisir avec les équipes l’association qui bénéficiera des congés solidaires de l’entreprise.
- Nourrir l’équilibre entre le travail et la vie personnelle en s’adaptant aux nouvelles formes de travail. Il ne s’agit pas uniquement de convenir d’horaires d’envoi de mails ou de favoriser le télétravail. Si l’activité de l’entreprise exige beaucoup de mobilité de la part des collaborateurs comme des séjours hors des frontières… organiser leur déplacement ainsi que leur vie le temps de leur mission pour rendre leur expérience confortable leur démontre concrètement l’engagement de l’entreprise pour leur bien-être.